La cour de
l'école de Brad
11h, arrivés en gare, nous
rejoignons les enfants qui nous attendent. Ils sont une trentaine
aujourd'hui. Des sourires aux dents noircies, des yeux qui brillent, des
fossettes parfois ourlées d'égratignures. Leur attente, j'ai
l'impression qu'elle remplit toute l'école, elle m'en donne des nœuds au
ventre, j'ai peur de les décevoir, moi qui ai été élevée dans la soie
; protégée des réalités que connaissent ces copii.
Je commence quelques jeux scouts
trop compliqués, d'autant plus que je n'ai jamais ouvert un dico de
roumain et je m'en mords les doigts. Regards interrogateurs,
incompréhension, agacement des petits. Je tente plus simple, "1,2,3
soleil", "chat perché" et autre "facteur n'est pas
passé". Les enfants rient, nous embrassent pour un rien, crient mon
nom. J'ai envie de hurler de joie. La journée passe en un éclair. Nous
essayons de défaire en 3ème vitesse les maquillages de clowns,
princesses, papillons, que nous avons fait aux enfants pendant l'après
midi, sans nous rendre compte que certains parents, sans eau, sans
démaquillant et exaspérés, allaient s'énerver sur leurs enfants le
soir à leur retour.
Au fil des jours et aussi grâce
à Francine, nous avons pu découvrir l'histoire du pays, le quotidien de
ces copii et de leur famille, la complexité et la beauté de la Roumanie.
La visite d'un centre pour handicapés, d'une casa de copii et les
détails de notre hôte sont autant de moments qui nous ont permis de
comprendre la vie de ces quartiers défavorisés. D'autre part nous avons
été accueillis par Marinella et des chirurgiens à l'hôpital de Brad.
J'ai pu voir à quel point des gens passionnés et plein d'enthousiasme
pouvaient, loin des normes d'hygiène à la française et des dogmes
universitaires parisiens, assurer une médecine très humaine et d'une
certaine qualité malgré le manque de matériel et de fonds.
Mademoiselle Bouclette, Marius ou
Elvis, chaque jour auprès des enfants, avec nous ont pu partager ces
moments où ils oubliaient un peu, l'espace d'une journée, leurs
difficultés. Merci à eux pour leur aide ainsi qu'aux enfants si
insouciants, naturels, et tendres.
J'ai toujours trouvé stupides les dessins de cœurs transpercés ou
brisés. Et là, maintenant, j'ai l'impression que le mien s'est fendu en
deux.
Monelle me regarde avec son
sourire espiègle et asymétrique de filou (qui, au passage, m'a piqué
des dizaines de scoubidous) :
" Tu reviens quand ? " " vineri ? "
" nu " je lui reponds.
" luni ? " " nu " " marti ? " " nu
" " miercuri ? " " nu " " joi ? ".
" nu "
...et le petit garçon fait crisser à
mon oreille (pour la 100ème fois au moins) le ballon que je viens de lui
gonfler.
Daiana m'offre son bracelet de
perles en plastiques, moi j'en ai deux en argent autour du poignet, je ne
lui donne pas, j'ai honte, mais la petite ne demande rien, elle, elle
donne gratos.
Pour les jeunes qui viendront
s'occuper des enfants, je vous conseillerai juste de préparer vos
animations en regardant plus dans le dico comment les expliquer aux
enfants. Je crois que les enfants auraient pas mal apprécié des
activités qui aboutissent à un spectacle à la fin ce qui demande plus
de préparation de la part des animateurs.
Anne-Laure.