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Il m’aura fallu du temps pour
prendre du recul sur ce que j’ai vécu en Roumanie. Car énormément de
choses m’ont touchée pendant ce mois de juillet, beaucoup de personnes
m’ont émue, des attitudes m’ont questionnée… mais au fond, qu’est-ce qui
m’a le plus marqué ?
Je n’arrivais pas à écrire en rentrant, encore trop de
choses se bousculaient dans ma tête. Quand les gens me demandaient de
leur raconter mon expérience, je voulais tout dire, j’avais peur
d’oublier quelque chose d’important, mais voilà que quelques mois après,
je sais au fond de moi, les choses qui m’ont particulièrement marquée.
Tout
d’abord, quand on vient passer quelques jours chez Francine, on fait
avant tout des rencontres. Je me rappelle de toutes ces personnes qui
nous parlaient de leur histoire, les yeux remplis de larmes ou le visage
illuminé. Je retiendrai l’histoire de Maria, ingénieure de formation et
qui est atteinte de sclérose en plaques. Elle est bloquée chez elle
depuis 26 ans dans un appartement de 3 pièces. Elle n’a pas encore 60
ans et est alitée sur son canapé. Elle n’a pas d’aide à domicile, c’est
pourquoi une dame vient l’aider pour les repas mais très peu pour la
toilette. Cette dame s’est vue dégrader au fil du temps, elle doit payer
ses médicaments car elle n’a pas de sécurité sociale, et elle en a
beaucoup à prendre. Elle nous a raconté qu’elle s’était tournée vers la
foi. Qu’au début elle en voulait à Dieu mais que maintenant elle s’était
résignée. J’ai ressenti beaucoup d’émotion quand elle nous parlait, même
si je ne comprenais pas jusqu’à ce que Francine nous traduise. J’ai
compris qu’ici, la religion est omniprésente et qu’elle est une force,
un besoin, et ce, pour la grande majorité des personnes.
Je me
rappellerai d’un matin où nous sommes allées à Deva, dans un quartier
appelé « micro 15 ». Je me souviens de cet endroit où plein de blocs
étaient laissés à l’abandon, tous délabrés.
Avant, y vivait des tsiganes et un jour ils ont été
expulsés et toutes leurs affaires ont été mises dehors. Ils ont attendu
pour être relogés mais ils ont été envoyés dans d’anciennes porcheries
où les rats étaient omniprésents. Francine nous a dit que certains
disaient qu’ils ne se sentaient pas seuls car les rats étaient leurs
colocataires… J’ai pris conscience de la façon dont les tsiganes étaient
menés. Du racisme dont ils étaient victimes et de la stigmatisation. Un
adolescent une fois au centre de placement, en me voyant faire un bisou
à un enfant tsigane m’a dit : « Rom, rom ! » et m’a fait un signe comme
quoi j’allais être sale après… Je n’ai pas su quoi répondre tellement
j’en étais étonnée. Cet ado côtoie cet enfant tous les jours et le
connait bien, mais la peau un peu plus foncée le dérangeait tout de
même.
Je
retiendrai aussi ma rencontre avec Antonio et sa grand-mère qui nous
avait invités à manger et nous avait préparé un repas de roi. Nous
mangions toutes les 3 et eux nous regardaient et nous servaient. C’était
très gênant car on ne sait pas trop comment réagir : le repas préparé
était très copieux, beaucoup d’argent était passé dedans… C’était très
dérangeant de manger et de se remplir devant des personnes qui ne
mangent pas toujours à leur faim alors que nous ne manquions de rien…
mais cela leur faisait plaisir, et j’ai pu découvrir la vraie générosité
des roumains, cela les honorait de nous recevoir.
La famille
de Bella que je garderai aussi en souvenir… un bout de femme courageuse
qui élevait 2 enfants et qui en attendait un autre, courageuse,
souriante, devant cette pièce insalubre dans laquelle elle était logée.
Une humidité et une odeur de moisi étaient répandues, cela nous prenait
à la gorge… Elle se battait avec les rats dans la salle de bain pour
laver correctement ses enfants, bref, la pauvreté dans laquelle
pouvaient vivre des milliers de familles s’est alors dressée devant moi.
Et
puis l’histoire de Daciana, de Yolande, Carmen, qui resteront aussi
ancrées, les témoignages de Joseph, le curé préféré de Francine, de
mademoiselle Bouclette, de Virgile qui nous parlait du communisme… Tant
de discussions qui m’ont fait comprendre l’histoire du pays, les
coutumes, la réalité dans laquelle vivent des milliers de personnes…
Bien sûr, il y a les enfants
et les adolescents du centre, avec lesquels ça n’a pas toujours été
facile, car leurs comportements d’enfants sont très différents des
français. Il a fallu s’adapter sans juger, et les meilleurs moments
s’imposent à moi : les matchs de foot, les dessins, les scoubidous ! ,
et le spectacle !
Merci à toi Francine, de m’avoir accueillie chez toi et
de m’avoir fait passer un tas de choses à travers ton expérience, tes
coups de gueule, tes vidéos… La vie chez toi, en collectivité n’est pas
toujours simple car il faut s’adapter à toutes les autres personnes, au
caractère de chacun… mais finalement qu’est-ce qu’on a pu rire,
discuter, partager… Merci de recevoir des jeunes comme moi, de faire
ouvrir les yeux à des personnes qui se complaisent dans leur confort,
qui oublient qu’il y a des soucis bien plus importants à côté de chez
eux. Je te souhaite de pouvoir encore partager avec tous ceux qui feront
le déplacement… Ça vaut le détour !
Justine
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