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Pierre |
Il est assez difficile
d'écrire sur ce que je vis. Pour moi, La Roumanie, c'est avant tout les
roumains que je rencontre. Des gens toujours très touchants. Des hommes
qui continuent de vivre comme ils peuvent, parfois en colère contre
leurs pays, contre les imbéciles qui le dirigent, contre l'image qui
leur est donnée, parfois acceptant les choses comme elles sont, sans
broncher. Les roumains ont finalement un gros poids sur les épaules.
Celui de leur histoire. Ils sont blessés de cette histoire. Le
communisme a laissé son empreinte dans les mentalités. Je suis toujours
surpris de voir le portrait que dressent les roumains de leur pays à
côté de l'absence totale de contestation. Finalement, chacun essaye de
se débrouiller à sa propre échelle. Certains s'entraident, et puis on
essaye de survivre, sans trop penser à demain. C'est une manière de
vivre à par entière.
Peut être qu'une des grosses
différences avec l'occident est dans cette manière de voir la vie. En
Roumanie, on vit le jour quand il arrive, avec ce qu'on a. On se
débrouille comme on peut. Et si le soir arrive et qu'on s'endort le
ventre plein, alors ça suffit et demain appartient à demain. Peut être
que cela rend les roumains plus présents aux choses et à la vie. Le
problème est que cela s'étend sur toute une société qui ne veut plus se
lever et qui a peu de projets. Beaucoup de roumains sont fatigués
d'espérer. Ils veulent partir, laisser la Roumanie dans son stade
d'enfance. J'ai rencontré un homme qui me disait « J'ai espéré pendant
15 ans, maintenant je suis fatigué, en colère, je n'attends plus rien de
la Roumanie, je veux partir »
La plus grande
pauvreté des roumains, au delà du manque matériel, est la blessure qui
résigne le cœur des hommes à vivre dans la soumission. L'espérance de
beaucoup d'hommes se limite à la réussite personnelle. Les roumains
n'aiment pas assez leurs pays pour espérer la réussite de tous et le
développement du pays.
Mais dans cette vision pessimiste
jaillit toujours le spectacle de la joie, du partage et de l'accueil.
Les gens donnent tous ce qu'ils ont. La plus belle chose qui existe dans
ce pays est, pour moi, le goût du lien, facile et simple, où tout est
donné. Chaque jour apporte la joie de simples retrouvailles,
retrouvaille des enfants, retrouvaille des familles. Dans mon séjour
ici, je peux dire que c'est dans le lien que je vois du changement, de
l'évolution, du nouveau. Je me rends compte que dans l'être humain rien
n’est statique. Il y a des surprises partout.
Dans la mélasse politique et le bordel des intérêts
personnels brille encore l'amour du lien et le goût du partage.
Une chose
intéressante dans mon séjour est la mixité des liens que je peux avoir.
Que ce soit avec des enfants pauvres, riches, des jeunes de
l'orphelinat, d'autres jeunes du village plus aisés, des familles
pauvres, des tziganes, des hongrois...
Pour résumer,
je trouve mon volontariat ici rempli de vie. Je vois beaucoup d'enfants,
entre ceux de l'orphelinat, ceux du soutien scolaires, ceux de Deva, que
j'ai pu rencontrer grâce à l'intermédiaire d'une autre association
(Point Cœur) avec qui je me suis lié d'amitié. Mes liens grandissent
aussi avec certaines familles que je visite avec Francine, avec les
jeunes du village, les institutrices de l'école que j'ai pus rencontrer
en assistant à leurs cours pour apprendre la langue...
Bref, après 4
mois et demis ici, c'est une petite vie qui se met en place, avec des
liens d'amitié, où je continue de découvrir ce pays et où je tente de
vivre la joie de cette culture et de ceux qui la font vivre.
Pierre.
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