Je ne cesserai donc jamais de vous raconter mon
séjour en dépit du bon sens ou plutôt dans tous les sens... Je torture,
je triture, et je maltraite le temps pour me venger de ce qu'il me file
entre les doigts... La bonne blague... Ne serait-ce pas plutôt le temps
et son contenu qui me mèneraient par le bout du nez ?
Je ne fais
que ce que je peux. Il y a des trucs que je ne parviens pas à vous
raconter dans la chronologie parce qu'ils sont soit trop durs, soit trop
compliqués. J'ai besoin de m'en éloigner pour réussir à en parler.
Depuis que je suis arrivée en Roumanie, je saigne du nez tous les
jours ou presque. C'est une faiblesse chez moi qui se manifeste, je l'ai
finalement compris, quand j'ai un trop plein d'émotions. Depuis des
mois et des mois, j'en étais sans doute privée car mon nez s'était tenu
tranquille. Ici j'en ai pour mon hémoglobine. A force d'avoir des
afflux de sang dans la tête et de les ressortir en hémorragie nasale, je
vais finir exsangue sans que Dracula n'y soit pour rien (même si l'on
est passé pas loin de son château pendant notre tour).
Nous avons
quitté Mme B, fait nos valises et voyagé pendant presque dix jours...
Et nous voici déjà sur la route du retour de Cluj à Baia de Cris. Je
ne vous décrirai pas en détail cette journée mais comme il y a toujours
de quoi s'étonner quoique l'on fasse ici (de quoi rire aux larmes ou de
quoi les retenir, ou saigner du nez), je vous en livre quelques petits
passages.
Traversées de plusieurs villages dont certaines maisons
sont clôturées par des palissades en vannerie... C'est très très beau
mais je n'aurai pas de photos car ça sent l'écurie : on trace sans
s'arrêter.
Nous fendons maintenant un paysage de Larzac à part
qu'il est tout vert avec de vaches dessus, pas des moutons.
Francine en véritable chef d'entreprise humanitaire a déjà un sacré
programme en tête pour le retour. Comme elle conduit et qu'elle est
accompagnée de sa secrétaire, elle n'est pas obligée de faire comme tous
les Roumains (téléphoner avec animation tout en conduisant). Elle me dit
ce que je dois dire et je passe les appels... enfin quelques uns, elle
en garde quand même un peu, pour le fun.
Vers Turda nous
dépassons plusieurs fois des personnes qui vendent quelques verres au
bord de la route. A proximité, il y a une usine de cristal -très
polluante- me dit Francine. Les maisons des alentours sont recouvertes
d'une fine poussière de cette fabrication tout à fait recommandée, on
n'en doute pas, pour la santé des poumons... Venez faire une cure si çà
vous chante.
Vu ce que me raconte Francine sur les alentours des
usines, il y a fort à parier pour que les mesures anti-pollution qui
leur sont imposées soient légèrement moins drastiques que par chez nous
(où ça n'est pas parfait non plus, çà c'est sûr). Les gens qui
vendent ces verres sont, semble-t-il, installés là chaque matin pour
vendre du deuxième choix. Je ne vois pas beaucoup de clients qui
s'arrêtent...
Un peu plus loin, Francine me fait remarquer un
monastère entouré de bâtiments, qui surplombe une petite colline. Il
s'agit me dit-elle, d'une initiative orthodoxe sponsorisée par une
équipe de football. C'est un complexe très original avec le pack
complet de la naissance à la mort orchestré par les moines et les
footeux : un monastère, une maison d'enfants et une maison de retraite.
Toujours ce joyeux mélange de tout et de n'importe quoi qui satisfait
tout le monde... L'autre jour à la caisse d'un supermarché, toutes
les Marie n'avaient-elles pas droit à un bon de réduction en l'honneur
de je ne sais plus quelle fête de l'immaculée conception du calendrier
orthodoxe...???
Nous arrivons à Brad et stationnons devant le
supermarché LIDL pour faire quelques courses. Aussitôt, Francine et
assaillie par une certaine Maria (une dame tzigane) et sa petite tribu
parce qu'elle veut mettre tout le monde à l'école et au jardin
d'enfants. C'est plutôt une bonne nouvelle pour des tziganes de vouloir
que les enfants aillent à l'école, mais laissez nous donc un peu
souffler. Francine se félicite d'ailleurs d'avoir acheté une maison qui
ne se trouve pas à l'endroit où elle intervient. Dans ce cas, même ses
nuits ne lui appartiendraient plus, c'est plus que sûr.
Je clos
ce chapitre que j'ai voulu rendre un peu plus riant que les précédents,
car je n'aimerais pas que vous vous mettiez vous aussi à saigner du
nez...
Monique
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