Nous voici de retour à
Baia de Cris, c'est à dire chez Francine. Hier et ce matin nous étions à
Cluj : c'était la dernière étape de notre périple et je choisis de vous
parler d'abord de cette ville pour vous ouvrir les yeux sur le sens que
donne Francine à la longue excursion que nous venons de faire à travers
la Roumanie (et qui est incluse dans le séjour de toute personne qui
vient chez elle en vue d'apporter une aide à la mission humanitaire dans
laquelle elle est engagée depuis tant d'années).
Nous sommes arrivées à Cluj en
début d'après-midi et nous sommes installées à l'auberge de jeunesse
située en plein centre ville. Nous y avons été parfaitement bien
accueillies en dépit de notre âge certain et y avons trouvé une chambre
et des sanitaires très confortables pour un prix plus que raisonnable. A
16 heures nous avions rendez vous avec Virgil, un professeur de
philosophie à l'université de Cluj que connaît bien Francine.
Nous l'avons retrouvé dans un
café comme on peut le faire dans n'importe quelle autre ville d'Europe.
Les sujets abordés furent assez variés, entre autre l'un où il
manifestait une profonde inquiétude quant à l'attitude très
consommatrice et peu créative des étudiants dont il a la responsabilité.
Quoi de plus actuel au fond...?
La ville de Cluj est une très
belle ville universitaire où il y a vraiment tout ce qu'il faut pour
satisfaire les goûts raffinés ou futiles de tout un chacun...
(librairies ouvertes jusqu'à 21 heures, magasins de mode, café d'où
fusent les rires des étudiants tout fous...énorme mall avec piscine
intérieure...).
Comme Virgil m'avait indiqué plusieurs points de la
ville à visiter dont une quantité d'églises des différents cultes , je
vais peut être vous surprendre en vous disant que je suis entrée dans
chacune d'elle, cinq au total, et qu'en faisant cela j'ai pu assister
dans chacune d'elles (sauf dans l'église des franciscains qui m'a paru
la plus paisible et dans laquelle j'ai pu à ma façon me recueillir), à
des petits fragments de culte... C'était 18 heures, et de nombreux
fidèles de tous âges assistaient aux différentes liturgies (romano
catholiques, gréco-catholiques et orthodoxes...). Si je vous parle de
cela c'est pour bien vous faire comprendre comme je suis en train de le
faire moi, que même dans une ville somme toute assez occupée par les
plaisirs temporels, une place considérable est encore réservée à la
spiritualité... Mais j'aurai d'autres occasions de vous parler de ce
point très important en Roumanie puisqu'il est sans doute la conséquence
de nombreuses années d'interdiction, de persécutions de certains
ecclésiastiques qui n'avaient pas les faveurs du régime dévastateur qui
a sévi si longtemps ici... Au passage je vous fais quand même part de ce
que me dit Francine à propos de l'église gréco-catholique que j'ai
visitée et suis obligée pour que vous compreniez l'évènement, de vous
éclairer brièvement sur ce qui s'est passé pendant les décennies du
communisme en Roumanie : seule la religion orthodoxe était autorisée
(après que celle-ci ait été épurée de ses représentants jugés dangereux
par le régime). De ce fait les églises et les biens de l'Eglise
gréco-catholique furent donnés à l'Eglise orthodoxe pendant ces années.
En principe, il auraient tous dû être rendus aux gréco-catholiques
lorsque le régime cessa mais il en existe encore qui ne l'ont pas été.
Ainsi, me dit Francine et c'était il n'y a pas si longtemps (environ 5
ans) devant le refus de l'église orthodoxe de rendre son bien à la
gréco, les gréco-catholiques vinrent s'imposer par la force pour obtenir
la restitution de leur bien et y parvinrent (ils se battirent à coup de
bancs !).
Voici donc mes amis la présentation d'une Roumanie
qui ne laisse voir que son évolution positive, masquant à l'œil du
touriste les incommensurables problèmes d'une très grande partie de la
population... Ce pays est un pays de paradoxes, de contrastes et il est
d'une complexité terrible... Il a une religion majoritaire, des
religions minoritaires, une population majoritairement roumaine, avec
des minorités hongroises, allemandes, tziganes et que sais-je encore...
Derrière tout cela une histoire complexe depuis toujours, des frontières
mouvantes et quatre décennies de terreur... Comprendrez-vous qu'avant de
nous faire faire un peu d'humanitaire, Francine ait le souci de nous
présenter ce pays dans toute sa complexité et de nous obliger à nous
plonger dans son histoire plus que récente (même pas une génération et
pas encore relevés, c'est sûr !). Lorsqu'elle m'a annoncé que nous
allions faire ce long périple, j'étais contente bien sûr mais me sentais
un peu coupable... J'étais venue pour servir et voilà que l'on me
proposait d'aller me promener... Me voici de retour avec certes des
paysages magnifiques plein les yeux, des rencontres très riches avec les
amis de Francine autour d'une table accueillante, du rire et des
conversations légères mais aussi tant d'études précieuses et
indispensables concernant le passé et ses séquelles (qu'il serait
coupable d'ignorer pour aborder la moindre de ces personnes affectée
dans son âme par tant de souffrances). Je vous dis NOAPTE BUN et demain
si j'en ai le temps je vous parlerai de l'étape précédente de notre
parcours.... Pupa dolce. Mom
Monique
|