Après ce petit intermède à
Brad, je vous emmène de nouveau en voyage.
La nuit précédent notre arrivée
chez Corina et Georges nous l'avons passée dans une pension à Borsec.
Pour cause, Iosca 2, ex-curé de Brad ainsi baptisé parce qu'il a succédé
à Iosca 1 (que je vous présenterai aussi), était aux abonnés absents
alors qu'il aurait dû être là pour nous recevoir. Nous avons attendu 2
heures, puis avons craint de devoir passer la nuit sous les ponts en
claquant du bec. Alors, nous avons décidé de faire demi-tour pour
trouver un hôtel et un restaurant. Nous avons bien fait car Iosca est
resté injoignable pendant une semaine : il se trouvait en vacances en
Bulgarie et nous attendait la semaine suivante...
En attendant Iosca, nous avons
eu largement le temps de faire un petit tour de sa paroisse (Tulghes).
Gamins et vaches se promènent dans la rue, les gosses parce qu'ils sont
encore en vacances, les vaches parce qu'elles rentrent le soir des prés
où un vacher a rassemblé le matin, le cheptel du village. Avant de
rentrer chez elles pour la nuit, elle sont libres de brouter ce qu'elles
trouvent au bord de la rue (pas besoin de fauchage). Il y a de belles
voitures, de vieilles voitures, des vélos, des gens à pied, et des
équipages tirés par des chevaux, qui vont et viennent sur la route
principale, deux trois églises pour une poignée d'habitants... Voici la
Roumanie avec cette respiration qui se cherche, sa résistance à la
modernité ou déjà cette course folle vers la consommation, sa fierté
pour ses produits naturels et ses traditions bien conservées, ou celle
d'enfin pouvoir nous ressembler, quand ce n'est pas de nous dépasser,
les deux extrêmes à la fois, quelquefois... Un savoureux mélange qui
donne un peu le vertige quand on est là. Mais où suis-je donc, en quel
lieu et à quelle époque? Vais-je vexer en disant telle ou telle chose ou
au contraire attiser la fierté ? On ne sait jamais trop... C'est
pourquoi il vaut souvent mieux observer et écouter que de faire trop de
commentaires...
Nous trouvons un restaurant sympa. Je mange un
sauté de foie de volailles aux oignons accompagné d'un bon verre de vin
(j'ai la chance d'aimer les abats qui sont encore beaucoup proposés et
le vin rouge qui se défend bien aussi). Nous trouvons aussi un hôtel
absolument nickel pour 92 lei à deux (environ 20 euros).
Le jour de cette arrivée à
Borsec, nous avions quitté quelques heures plus tôt le Carmel de MaÏca
Eliane où nous venions de passer 24 heures.
Nous avons fait route depuis
Brasov pour arriver en milieu d'après midi chez la sœur Eliane et avons
traversé un paysage vallonné, de jolis villages aux maisons de couleur
et des champs cultivés avec soin, cela se voit. C'est le pays hongrois
de Roumanie, qui faisait partie de la Hongrie jusqu'en 1919 et qui a été
donné à la Roumanie. Il arrive encore fréquemment que ses habitants ne
parlent que la langue hongroise. Pourtant Domnisoara Bouclette qui fait
partie de cette minorité m'explique que sa mère qui était jeune à cette
époque a subi l'interdiction à l'école de parler le Mazgyar. Il y a donc
fort à parier que ce peuple se soit montré très résistant à la pression
d'assimilation qui lui était imposé. Il existe encore beaucoup de
personnes de cette minorité qui revendiquent une sorte d'indépendance,
ou du moins qui n'acceptent toujours pas que la transylvannie soit
revenue au pays roumain. Dans l'autre sens, il semble qu'il puisse y
avoir aussi une certaine discrimination. Francine m'explique en me
faisant observer que la route est enfin en bon état, qu'il fut un temps
où les Hongrois pas toujours bien aimés des roumains, pouvaient être
pénalisés en étant moins bien servis par l'état (au niveau des routes
par exemple).
Tout cela mérite cependant d'être nuancé. De
nombreux Hongrois comme Melle Bouclette par exemple, ont accepté la
marche de l'histoire tout en ayant le privilège de parler les deux
langues, d'autres ont épousé des personnes roumaines et réussi à élever
leurs enfants, qui du fait de ces mariages mixtes, naissent avec des
parents de confessions et de langues différentes (orthodoxe et
catholique le plus souvent). La mixité de population en Roumanie est
donc à la fois une complication supplémentaire et un terreau d'échange
interculturel, tout dépend. Il n'a pas été rare pour moi en tout cas de
me trouver dans une soirée à entendre du français, du hongrois, du
roumain et fatalement un peu de pataouète...
Nous nous arrêtons à Mercuria
Chuc pour visiter la cathédrale (Chuc veut dire bière en Hongrois. Les
pancartes des agglomérations sont écrites dans les deux langues).
Francine me décrit le pèlerinage international qui a lieu en cette ville
à la Pentecôte avec messe dite par l'évêque, et la beauté de la
procession qui se déploie sur la colline.
Nous passons à Georgeanna non loin des mines de sel
de Praid (c'est un lieu qui se visite, si vous souffrez d'asthme allez y
passer quelques heures, il paraît que c'est très bon). Non loin de là,
la Mures deuxième fleuve de Roumanie prend sa source à Izvora...Nous
arrivons à Topleza, c'est la ville la plus froide de ce pays (des
température de moins 40 en hiver ne sont pas rares. C'est aussi une
ville extrêmement pauvre et c'est tangible lorsqu'on la traverse) pour
arriver à la piste de 18 km qui nous mènera au carmel de la sœur Eliane
en pleine forêt à 900 mètres d'altitude au bout du bout, près des ours
et des loups...HOU...HOU. J'en connais un dont les poils commencent à se
hérisser rien qu'à cette évocation...
Borsec était une station
thermale réputée mais qui peu à peu est tombée en décrépitude. Les
maisons de la station n'ont plus que des restes de beauté offrant
maintenant à nos yeux navrés leurs façades lépreuses. la splendeur s'en
est allée...C'est bien dommage. L'eau de cette bonne source est toujours
là pourtant, puisqu'elle est largement commercialisée en Roumanie.
Monique
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