Les jours
passent ici aussi fugitifs que des étoiles filantes. Il y a comme une
accélération du temps chez Francine toujours aussi débordante d'idées et
de bonne humeur sauf lorsqu'un réflexe petit bourgeois de notre part a
le don de lui faire monter la moutarde au nez. Et nous ne sommes
nullement à l'abri de ce type de réflexe même avec la meilleure volonté
du monde. On n'est pas issu d'un pays gâté
comme celui dans lequel nous avons l'habitude
d'évoluer, avec de surcroît la chance d'appartenir à la classe moyenne
fut-elle la classe inférieure de cette
catégorie, sans avoir de temps en temps son petit caprice du moment, ou
ce qui apparaît comme tel ici.
Je dirais que comme je suis en
deuxième année chez Francine, je parviens maintenant tant bien que mal à
faire des presque sans fautes sur 24 heures ou à me rattraper de
justesse quand l'ombre d'une parole ou d'une attitude déplacée ici,
précède mes bonnes intentions.
On ne peut pas
toujours en dire autant de cette bande de jeunes que j'ai trouvés ici en
arrivant, les six scouts. Ils n'ont même pas vingt ans, ont un esprit
absolument adorable, serviable et les objectifs de leur venue ici en
Roumanie sont tout à fait louable et atteints, je le crois. Mais aussi
ce sont des jeunes qui multiplient les gaffes et à eux six, ils seraient
plutôt du genre à faire cents fautes en 24 heures. Fautes mineures bien
entendu, fautes de gamins on ne peut mieux élevés, mais qui n'en
appartiennent pas moins à la jeunesse du 21ème siècle, un peu "le cul
dans le beurre" le reste de l'année, comme disent certains. Francine a
calculé qu'elle en avait grosso-modo reçus une soixantaine depuis le
mois de février ce qui n'est pas une mince affaire.
On
laisserait sans y voir aucun inconvénient le velux ouvert toute la
journée alors qu'il va pleuvoir, si Francine ne veillait au grain à
chaque départ. On fait la cuisine et
on ne nettoie pas la
gazinière. On arrive en retard pour le repas et on trouve encore le
moyen de regarder sur internet alors que le repas refroidit... Rien de
bien grave, voyez-vous, mais quelle patience de la part de notre
hôtesse.
Demain le sympathique petit
groupe nous quitte et va néanmoins beaucoup nous manquer. Ces jeunes ont
animé pendant deux semaines un centre aéré improvisé dans une école de
quartier défavorisé et ont eu beaucoup de succès. Les premiers jours
quelques enfants venaient les rejoindre et peu à peu ce furent vingt
puis presque trente d'entre eux qui vinrent quotidiennement participer
aux activités proposés.
Domnisoara
Bouclette, salariée roumaine de l'association les a aidés à communiquer
avec les enfants. Improvisé le centre aéré, car nul besoin ici de se
prendre la tête avec des déclarations et des contrôle sanitaires et de
sécurité. En Roumanie, s'il existe beaucoup d'obstacles à la promotion
de l'individu, il y a au moins une chose qui fait bien plaisir, c'est
qu'on peut mener un projet à bien en peu de temps et avec un minimum de
moyens.
Une salle de classe dans une école de
quartier, une demi-douzaine de jeunes bénévoles, un ballon, des cartes,
un peu de matériel récupéré à droite à gauche. Abracadabra,
un beau centre aéré gratuit pour tous ceux qui veulent venir.
Cet été, Francine avec un couple engagé dans
l'association a même organisé une colonie de vacances dans le monastère
franciscain de Baia de Cris (équipé pour recevoir des groupes). On
essaie de trouver des donateurs pour réaliser ce projet. Même si çà
n'est pas facile on finit par y parvenir. On choisit une douzaine
d'enfants parmi ceux qui en ont le plus besoin, une personne s'improvise
cuisinière, Francine fait les courses, trois jeunes font l'animation,
Bouclette traduit. Du travail, de la bonne humeur et un beaucoup de cœur. Abracadabra
et voici la belle colonie de vacances pour les enfants qui passent leur
enfance entassés dans une seule pièce avec leur parents.
Ici
c'est encore un pays où il est possible d'avoir de la suite dans les
idées et de les concrétiser pour faire avancer les choses. Tant mieux
car il n'y a pas une minute à perdre à l'est. A l'ouest, on croit sans
doute que l'on peut encore se payer le luxe de toute cette bureaucratie,
technocratie qui nous consument et nous paralysent. C'est pourtant du
vol d'argent public alors qu'il n'y en a vraiment plus beaucoup d'après
ce qu'on dit, et de temps et d'énergie. Tout cela a le don de nous
pomper l'air et de nous décourager.
Monique.
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